Quelques analyses montrèrent immédiatement que les terres de Mainpincien étaient riches en azote, même relativement trop riches, mais qu'elles étaient assez pauvres en chaux, en potasse et en acide phosphorique. On essaya de rétablir l'équilibre par des chaulages légers et fréquents, et par l'emploi du superphosphate de chaux et du chlorure de potassium mélangés avec un égal poids de plâtre. Les résultats en furent très satisfaisants.
Peu à peu, on chercha non seulement à compléter le fumier, mais à le remplacer totalement en ajoutant aux engrais minéraux du nitrate de soude ou du sulfate d'ammoniaque.
On obtint alors des récoltes de blé beaucoup plus sûres et plus régulières qu'avec le fumier ; elles ne souffraient plus, comme le dit M. Rémond, tantôt de pléthore, tantôt d'anémie ; les maxima arrivaient comme autrefois à 42 hectolitres à l'hectare, mais les plus faibles ne descendirent plus jamais au-dessous de 24 hectolitres, tandis qu'avec le fumier de ferme, la verse les réduisait souvent à 10 hectolitres. La moyenne avec les engrais chimiques est de 33 hectolitres ; sous l'ancien régime, elle n'était que de 26. Même progression pour l'avoine.
Ainsi, 7 hectolitres de blé de plus avec les engrais chimiques qu'avec le fumier. Mais ces engrais chimiques ne coûtaient-ils pas plus cher que le fumier? Il y a une dizaine d'années, l'équivalent d'une tonne de fumier en engrais chimiques revenait à environ 12 francs. Or, il eût été difficile de faire du fumier à 12 francs la tonne avec des vaches laitières ou des animaux à l'engrais auxquels on aurait fait payer les fourrages et la paille aux prix des environs de la capitale. Quant à en faire venir de Paris, son transport seul coûtait 6 francs (3 francs jusqu'à la gare de Verneuil et autant de Verneuil à la ferme), et, en définitive, il revenait également à 12 francs les 1,000 kilog.
Mais, depuis quelques années, la valeur des engrais chimiques a diminué de 25 à 30 pour 100 ; ils ont subi l'influence de la crise agricole, et par conséquent on peut aujourd'hui acheter pour 7 à 8 francs l'équivalent d'une tonne de fumier.
M. Rémond admet donc qu'il y a pour lui, au point de vue de leur coût comme au point de vue de leur efficacité, un grand avantage en faveur des engrais chimiques. Aussi en est-il bientôt arrivé à les employer presque exclusivement.
Il ne nourrit sur sa ferme de 308 hectares que les animaux nécessaires pour les travaux (17 chevaux et de 12 à 40 bœufs suivant la saison, en moyenne 27), et un troupeau de moutons (400 têtes) suffisant pour consommer, avec les bœufs, les pulpes de sa distillerie et les pailles ou fourrages invendables.
Il obtient ainsi de quoi donner à chacun des 44 hectares de betteraves qu'il cultive une demi-fumure d'environ 18,000 kilog. Il a soin de mettre ce fumier en terre avant l'hiver, afin qu'il ait le temps de se nitrifier avant le mois de mai ou de juin.
Puis, quelques jours avant de semer les betteraves, il répand les engrais chimiques : 30 à 50 kilog. d'acide phosphorique, 80 à 100 kilog. de potasse sous forme de sulfate ou de nitrate (il importe d'éviter les chlorures), et 40 à 65 kilog. d'azote nitrique à l'état de nitrate de potasse ou de soude.
Après la sole de betteraves vient une céréale d'été (1), dans laquelle on sème de la luzerne ou du trèfle. On ne donne aux légumineuses que des engrais minéraux.
L'expérience a prouvé que l'azote des engrais ne leur sert à rien ; mais je ne veux pas entrer dans la discussion des théories par lesquelles on a cherché à expliquer ce fait. On enfouit la dernière coupe, au moment de sa floraison, de manière à en faire un engrais vert pour les trois céréales qui suivent, deux blés et une avoine. Chacune de ces céréales reçoit en outre ses engrais spéciaux.
Pour le blé, on met en automne, suivant les besoins, de 25 à 115 kilog. de chlorure de potassium, et de 200 à 500 kilog. de superphosphate de chaux ; et pour le deuxième, en outre, au printemps, 200 à 210 kilog. de nitrate de soude. On y mélange toujours 200 à 500 kilog. de plâtre qui favorise l'épandage régulier et l'action des engrais.